Au hit-parade des sujets qui font le buzz – certains préfèrent parler de cri alarmant du moustique – ChatGPT et ses productions littéraires ou littérales occupent une place de choix, certainement proche du podium des sujets digitaux (ou digitox ?) de 2022. Véritable prouesse technologique pour les uns, mais technologie sans preuve véritable pour les autres, les convictions s’affrontent, s’écharpent gentiment. Et c’est tant mieux, parce que ce déchaînement de passions et de croyances sont autant de jalons qui marquent les réelles avancées de l’IA au service des métiers et de l’entreprise, tout en offrant le spectacle d’une différence essentielle.
Séduit par les beaux chants des journaliste-sirènes, j’ai succombé tel un enfant à qui l’on prête une PlayStation à la tentation de tester ChatGPT et d’en faire mon terrain de jeu le temps d’un après-midi pluvieux. Friand de technologie en général et d’outils littéraires en particulier, je ne me suis pas fait prier. Et le moins que l’on puisse supposer – à juste titre – c’est que je me sois bien éclaté ! Mais de quoi ou de qui parlons-nous exactement ? ChatGPT est la dernière expérimentation d’OpenAI, et le plus simple c’est de lui demander de se décrire (décrier ?) directement :
Moi : Explique-moi ce qu'est ChatGPT en 10 mots
ChatGPT : ChatGPT est un modèle de conversation basé sur GPT-3 pour chatbots.
Explique-moi ce qu'est ChatGPT en 30 mots
ChatGPT est un modèle de conversation basé sur l'algorithme GPT-3, conçu pour générer des réponses à des questions posées par les utilisateurs dans un chatbot. Il utilise le traitement du langage naturel pour comprendre et générer du langage humain de manière convaincante.
Explique-moi ce qu'est ChatGPT en 150 mots
ChatGPT est un modèle de traitement du langage naturel (Natural Language Processing ou NLP) qui a été formé à partir de l'algorithme de prédiction de texte GPT-3 (Generative Pre-training Transformer 3). GPT-3 est un modèle de traitement du langage qui a été entraîné sur un grand nombre de textes et qui est capable de prédire les mots suivants dans un texte en utilisant les mots précédents comme contexte. ChatGPT est un modèle de conversation qui a été formé en utilisant GPT-3 et qui est capable de générer des réponses à des questions posées par les utilisateurs en utilisant le contexte de la conversation précédente. ChatGPT est conçu pour être utilisé dans un chatbot, c'est-à-dire un programme capable de simuler une conversation avec un humain en utilisant le traitement du langage naturel. ChatGPT est un exemple de l'utilisation de l'apprentissage automatique pour créer des programmes capables de comprendre et de générer du langage humain de manière convaincante.
Explique-moi ce qu'est ChatGPT dans un style poétique
ChatGPT, notre compagnon de conversation, Un modèle formé par l'algorithme GPT-3, Il génère des réponses pour notre amusement, Grâce au traitement du langage naturel, il comprend. Il simule une conversation humaine, Et nous offre une présence réelle, ChatGPT, notre ami virtuel, Toujours là pour une discussion réelle.
Explique-moi ce qu'est ChatGPT dans un style rabelaisien
ChatGPT, mon ami, c'est un modèle de conversation grand et fort, nourri par l'algorithme GPT-3! Il peut générer des réponses à toutes sortes de questions, grâce à sa compréhension avancée du langage humain. C'est un compagnon de conversation véritablement étonnant, capable de simuler une conversation avec un être humain de manière convaincante. ChatGPT, c'est notre ami virtuel, toujours là pour une discussion agréable et une bonne rigolade!
Explique-moi ce qu'est ChatGPT dans un style rabelaisien et en anglais
Oh, ChatGPT, my dear friend, thou art a mighty model of conversation, nurtured by the almighty GPT-3! Thou canst generate responses to all manner of queries, thanks to thy advanced understanding of the human tongue. A truly astounding conversational companion, able to convincingly simulate a chat with a flesh-and-blood being. ChatGPT, thou art our virtual ally, always ready for a jolly chat and a good laugh!
Entendons-nous bien, je ne souscris pas à l’idée de vérité – qui n’existe pas – mais on peut néanmoins s’accorder sur une réalité objective des choses, et c’est là que ChatGPT touche à ses limites. En effet, il ne suffit pas d’être convaincant, ni même très convaincant (le mot revient souvent dans les médias pour qualifier ChatGPT) pour être probant, encore moins réel. Cohérence n’est pas évidence. Vraisemblance n’est pas réalité. Je nous épargne le détour par Platon et l’allégorie de la caverne de La République.1 En revanche je nous invite à un petit détour par le prologue du Pantagruel de Rabelais.
En littérature, il y a un avant et un après Rabelais. De même, il est probable qu’il y ait un avant et un après ChatGPT dans l’entreprise, pour toutes les tâches qui se matérialisent par de l’écriture, quelle qu’elle soit ; on pense évidemment à la communication, mais aussi et surtout aux développements informatiques et à la production de code.
Rabelais disions-nous. Dans ce fameux prologue, l’auteur noue un pacte de lecture avec son lecteur, un pacte qui repose sur une alliance paradoxale de la fiction et de la réalité. Dit autrement, Rabelais est le premier à affirmer que le lecteur participe activement à l’élaboration du sens, qui n’appartient pas à l’auteur uniquement. Lorsque je lis un texte, je suis responsable du regard critique que j’y apporte ; le sens se construit à deux à la croisée des chemins entre l’intention de l’auteur et l’attention et l’intention de lecture.
Quel rapport avec le sujet, me direz-vous ? Eh bien, la construction du sens justement. Toute écriture se nourrit de lecture, et l’on est en droit de s’interroger sur le regard critique que l’algorithme GPT-3 porte à ses différentes sources ? Comme le disait Jean-Paul (on a tous connu un Jean-Paul, DSI amical mais trivial, trop trivial) : shit-in, shit-out. Je ne proposerais pas ici une traduction des propos de mon ancien collègue, mais on l’aura compris, ChatGPT comporte un risque de produire des textes de qualité discutable ou franchement erronés s’il s’alimente avec des sources biaisées.
Ainsi, l’un des premiers reproches que l'on peut faire à cet algorithme, c'est qu’il prend tout ce qu’il trouve pour argent comptant. D’expérience, lorsque l’on se documente sur des sujets de niches ou de spécialistes, on tombe sur beaucoup de choses qui sont certes écrites… mais qui sont fausses ou incomplètes. Et rarement nuancées. Ainsi, ChatGPT va vous imiter sans grande difficulté le style poétique de Malherbe, parce que ce corpus poétique est clairement identifié, codifié et documenté. Mais demandez-lui de vous expliquer le fonctionnement de la signature électronique, et vous verrez qu’il vous proposera de manière joyeuse et péremptoire les âneries que l’on peut lire ici et là, sans se poser de question. Il peut broder dans un style et faire du bouche-trou contextuel, mais c’est autre chose que de trier de l’information et d’être critique et exhaustif sur un sujet.
A la différence d'un humain, je dirais qu'il ignore ce qu'il ignore (alors que moi parfois je vois bien que je suis léger sur un aspect, ou que les articles dans lesquels je me source sont trop légers sur tel ou tel point, et je creuse dans ce sens spécifiquement pour combler le vide).
Par ailleurs, lorsque je tombe sur un article très complet et de très bonne qualité, je vois qu'il est plus important que les articles un peu plus médiocres. Je ne le traite pas comme un élément statistique. J'ai une conviction par rapport à mes lectures. Encore une fois, c’est là que l'IA pèche, par défaut d’esprit critique par rapport à ce qu’elle absorbe. Au mieux, elle dispose de règles de scoring (autorité, popularité, richesse sémantique, ...), mais cela reste l'exécution de règles, et les biais sont multiples (sources erronées, obsolètes, partisanes, mal indexées, …)
Enfin, on peut aussi s’interroger sur le style quelque peu laudatif des productions du bot. Les adjectifs sont mélioratifs à souhait et les articulations logiques sont sommaires. Ce n’est pas une pensée fine.
Rapidement ces défauts vont s’amenuiser et le moteur produira des contenus de qualité bluffante. Si présenter 4 images de tigres à un très jeune enfant suffit pour qu’il soit en capacité de reconnaître cet animal, il faut en soumettre 100 000 à un moteur de neurones pour qu’il soit en capacité d’égaler cette performance. En revanche, l'enfant pourra de temps en temps se tromper. L'IA pas. Encore faut-il qu’elle discerne la photo authentique d’un tigre en pleine nature d’une photo d’une affiche sur laquelle figure un tigre. Know what I mean? Exercer un regard critique !
Du calme ! Du calme, les amis ! J’entends déjà vos hurlements bien légitimes de protestations vigoureuses. Je plaisante, et la qualité première d’un bon code informatique réside bien évidemment dans l’approche créative de son auteur, codeur, développeur, et dans le meilleur des cas – n’ayons pas peur des mots – poète.
Mais aussi talentueux qu’il puisse être, tout codeur-poète passe immanquablement par des tâches à faible valeur ajoutée, très fastidieuses et souvent chronophages. Et là aussi, ChatGPT se révèle le meilleur des compagnons pour accompagner le programmeur.
En effet, s’il paraît compliqué à ce stade de confier toute l’arborescence d’un projet à ChatGPT, l’outil se présente néanmoins comme un facilitateur intéressant auquel on peut confier des tâches redondantes comme :
l’optimisation de requêtes ;
l'exécution de calculs et fonctions mathématiques de base ;
la rédaction de règles de traitements de données ;
la description des formules ou motifs (patterns) d’expressions régulières (REGEX) ;
…
Bien sûr, on pourra toujours débattre de la qualité d’un code. Mais il y a une objectivité de ce dernier : il s’exécute ou ne s’exécute pas. Il s’optimise ou ne s’optimise pas. Autant il est compliqué pour ChatGPT de discerner le pertinent de l’impertinent pour un sujet subjectif d’actualité, faute de sens critique, autant en matière de développement et de programmation on trouve une information exhaustive et quasi définitive sur les forums dédiés façon Stackoverflow.
Mais il n’y a pas que la vitesse comme énorme bénéfice apporté par ChatGPT. En effet, en tant que tiers extérieur, ce moteur est le parfait canard auquel exposer son projet pour gagner en clarté. Vous connaissez la méthode du canard en plastique ?
La méthode du canard en plastique, aussi appelé « rubber duck debugging » ou «rubber ducking », consiste à expliquer méticuleusement à voix haute à quelqu’un, ou à défaut, à un objet – et en l’occurrence un canard en plastique – un problème de programmation de manière à en clarifier tous les aspects. Cet exercice permet de mettre en lumière les incohérences et de résoudre les problèmes de programmation qui surviennent.
« On a toujours l’impression d’avoir saisi et compris tous les éléments et aspects d’un problème… Mais souvent ce n’est pas le cas !Expliquer mon code à ChatGPT me force à clarifier mon besoin, ma demande et mes idées.» me confie ce matin Julien Delamotte, Chef de Projet chez Keyrus. Et Julien de compléter : « Ainsi, on explique notre code à ChatGPT et ce que l’on souhaite réaliser. En retour, le moteur d’IA peut produire son propre code et nous livrer cet élément de comparaison avec le code initial. ChatGPT peut même opérer lui-même cette comparaison entre mon code et le sien. »
A noter enfin que les données interrogées par ChatGPT sont puisées dans une base qui s’est sourcée jusqu’en 2021. Le moteur n’est pas conséquent pas en capacité de garantir un code contre les failles de sécurité plus récentes, apparues ou détectées depuis cette date.
Indubitablement, oui. ChatGPT apporte plus de précision aux projets et réduit les temps d’exécution en facilitant la programmation informatique. Mais des progrès restent à accomplir, car aujourd’hui…
Je ne suis pas amateur de football, mais il m’arrive de m’abandonner à la contemplation de ce spectacle. Surtout si c’est la coupe du monde. Et encore plus si la France est en demi-finales. Souvenez-vous le 14 décembre dernier la France rencontre le Maroc au Qatar. Après un début de match laborieux, le coach décide de faire rentrer Randal Kolo Muanisur le terrain, et ce dernier marque un but 44 secondes après son entrée en jeu. Quelle que soit les capacités des uns et des autres, la vraie valeur c’est d’aller chercher le bon pivot au bon moment. Vous voyez où je veux en venir ?
Il en va de même pour la production de contenus et du code. Les rédacteurs et développeurs humains ont de grandes capacités. Les intelligences artificielles en ont d’autres. Et c’est la capacité d’orchestration des deux qui fait la différence et qui sera – incessamment sous peu – déterminante pour la production de contenus de qualité.
De plus, comme pour la création originale de visuels ou d’œuvres d’art par une IA (Jasper Art, Nightcafe, Photosonic, DALL-E 2), les moteurs textuels produisent de meilleurs résultats lorsqu'il y a une collaboration entre un coach-rédacteur ou un coach-programmeur et la machine. On donne une consigne (mais pas n’importe laquelle). On lit le résultat selon certaines consignes bien précises. On modifie la requête plusieurs fois pour affiner à chaque fois la réponse. Certains métiers vont donc évoluer et se voire remplacé par celui de « machine trainer ». Tout pareil pour notre poète-codeur, qui évolue lui-aussi vers un dialogue homme-machine plus étroit.
Bref, à ce stade ChatGPT ne remplace pas l'humain. Au contraire, il l'augmente. Et pour tirer parti de cette augmentation, j’entraine mon intelligence, dans tous les sens des deux termes. Un travail collaboratif pour un acteur augmenté.
Parce que tous les projets ont un sens, on a besoin d’un orchestrateur. ChatGPT n’est par exemple pas en capacité de comprendre que derrière l’optimisation d’une requête pour produire des KPIs dans un environnement médical il y a une problématique de désengorgement des urgences et des moyens à mobiliser aux heures de pics, pour un service de qualité et simplement plus humain.
Allez, une dernière petite interrogation de chatGPT pour la route :
Quand est-ce que tu vas surpasser les développeurs informatiques ?
Je suis déjà capable de réaliser certaines tâches qui sont traditionnellement effectuées par les développeurs informatiques, comme la génération de code ou la résolution de problèmes informatiques spécifiques. Cependant, les développeurs humains ont des compétences et une expérience uniques qui les rendent très précieux pour les entreprises et les organisations. Ils sont souvent chargés de prendre des décisions importantes et de créer des logiciels innovants qui répondent aux besoins de leurs utilisateurs. Je suis un outil qui peut aider les développeurs dans leur travail, mais je ne suis pas conçu pour remplacer les développeurs humains.
1 Testez par vous-même : « Résume l'allégorie de la caverne dans La République de Platon en 100 mots » ici : https://chat.openai.com/chat