Article publié par Benjamin Chiche, Consultant Assurance Santé Protection Sociale chez Kadris - Groupe Keyrus Pour en savoir + sur Kadris, rendez-vous sur ce lien.
NVEI ou EDP ?
Un nouveau marché s’est développé ces dernières années dans les villes suite aux embouteillages, aux difficultés de stationnement, aux problèmes dans les transports publics et à la pollution : les Nouveaux Véhicules Électriques Individuels. On recense maintenant une grande variété d’engins qui appartiennent à deux catégories distinctes :
. Les Engins de Déplacement Personnels (EDP) regroupent tous les moyens individuels de déplacement, électriques ou non : trottinette, vélo, gyropode, rollers, skateboard, etc. . Les Nouveaux Véhicules Electriques Individuels (NVEI) ne comprennent que les engins de déplacement personnel à moteur électrique : trottinette et vélo électriques, monoroue, gyropode, hoverboard, hoverskate, etc.
Le développement des NVEI engendre une série de questions : quelles sont les règles de circulation de ces engins ? Quelles sont les obligations du conducteur en matière d'assurance ? Quelles sont les réponses assurancielles apportées ? Etc.
D’après une étude de la marque d’assurance directe d’Aviva, Eurofil, publiée en avril 2018, seulement 3% des Français utilisaient en 2017 les NVEI, soit environ 1,5 million, et notamment les jeunes et les cadres (respectivement 10% et 7% des utilisateurs). Cela étant, ils sont 17% à envisager de se déplacer à l’avenir avec ces nouvelles mobilités, ce qui laisse présager une augmentation rapide du nombre d’utilisateurs. Les NVEI sont perçus comme un moyen de se déplacer rapidement (24% des Français), de disposer d’un mode de locomotion complémentaire aux transports en commun (14%) et de favoriser l’écologie (22%). Par conséquent, l’intérêt pour les NVEI est particulièrement marqué dans les grandes agglomérations.
Les trottinettes électriques sont les engins que les Français connaissent le mieux, à 90%, loin devant les hoverboards (59%) ou les monoroues (56%). Cela n’empêche pas une majorité de Français d’être assez dubitatifs, puisque 69% d’entre eux les assimilent à des « gadgets ». Néanmoins, les Français voient un certain avenir pour les NVEI : 82% estiment qu’ils vont se développer, surtout chez les jeunes. En matière d’assurance, 36% des Français (cette proportion s’élève à 45% parmi les utilisateurs de NVEI) estiment à tort que l’assurance habitation ou auto qu’ils ont souscrite les couvre automatiquement en cas d’accident.
En effet, la réglementation ne s’est pas encore adaptée à l’émergence des NVEI. Aujourd’hui, les utilisateurs d’EDP non motorisés (trottinettes, skateboard, rollers, etc.) sont considérés comme des piétons par le Code de la route. Ils peuvent donc circuler sur les trottoirs et sur les autres espaces autorisés aux piétons à condition de rester à la vitesse du pas (jusqu’à 6 km/h). En revanche, les EDP motorisés (trottinettes électriques, monoroues, gyropodes, etc.) n’appartiennent à aucune catégorie du Code de la route. Leur circulation dans l’espace public n’est donc actuellement ni autorisée ni réglementée : leur usage est en principe limité aux espaces privés ou fermés à la circulation. Cependant, un nouveau projet de décret qui créera des dispositions nouvelles dans le Code de la route entrera en application d’ici fin 2019. Cette nouvelle réglementation a pour objectif de définir un cadre qui permette le développement de ces nouveaux engins tout en assurant la sécurité de leurs utilisateurs et des autres usagers.
Elle reconnaît les EDP motorisés comme une nouvelle catégorie d’engins et en définit le statut, leurs équipements et leurs règles de circulation, ainsi que les éventuelles obligations d’équipements de leurs utilisateurs. Les règles pour les EDP motorisés sont essentiellement les mêmes que celles applicables aujourd’hui aux cyclistes, avec certaines spécificités. Entre autres, les enfants de moins de 12 ans n’ont pas le droit de conduire ces engins, le port du casque n’est pas obligatoire mais fortement recommandé, il est interdit de transporter des passagers (usage exclusivement personnel) et de porter à l'oreille des écouteurs ou tout appareil susceptible d’émettre du son, enfin, l’engin ne doit pas dépasser les 20 km/h. Au niveau des règles de circulation : les EDP motorisés ont l’interdiction de circuler sur le trottoir (sauf si le maire prend des dispositions afin de les y autoriser). Sur les trottoirs, l’engin doit être conduit à la main, sans faire usage du moteur. En agglomération, ils ont l’obligation de circuler sur les pistes et bandes cyclables lorsqu’il y en a. À défaut, ils peuvent circuler sur les routes dont la vitesse maximale autorisée est inférieure ou égale à 50 km/h. Le stationnement sur un trottoir n’est possible que s’il ne gêne pas la circulation des piétons.
Des sanctions sont prévues : 35€ d’amende (2e classe) en cas de non-respect des règles de circulation, 135€ d’amende (4e classe) pour circuler sur un trottoir sans y être autorisé et 1 500€ d’amende (5e classe) pour rouler avec un engin dont la vitesse maximale n’est pas limitée à 20 km/h.
Face à l'essor des NVEI, la Fédération Française de l’Assurance (FFA) rappelle que l'utilisation de ces nouveaux moyens de locomotion est soumise à la même obligation d’assurance de responsabilité civile que les véhicules motorisés tels que les motos ou les voitures. De ce fait, puisqu’ils sont motorisés, ils sont classés comme véhicules terrestres à moteur (VTM) : l’assurance en responsabilité civile est donc obligatoire pour les éventuels dommages causés à des tiers (dommages corporels sur un piéton ou dégâts matériels sur un autre véhicule). Or, les assurances multirisques habitation traditionnelles ne couvrent pas, en général, l’usage de ces engins motorisés. Pour être en règle avec l’obligation légale d’assurance, il faut donc impérativement déclarer l’utilisation de son NVEI à son assureur, pour adapter son contrat, ou souscrire une assurance spécifique. Dans le cas d’une location, pour les personnes qui empruntent une trottinette électrique en libre-service via une plate-forme, la responsabilité civile serait comprise.
Il est également possible d’ajouter des garanties optionnelles telles que le « vol », la « protection corporelle du conducteur », ou l’« incendie ». À noter que si l’engin est couvert par l’assurance multirisques habitation, il est protégé contre le vol, mais uniquement lorsqu’il est sous le toit de l’habitation assurée. Dès lors, il conviendra de souscrire une extension pour assurer le NVEI contre le vol hors du domicile. Aujourd’hui, assurer un NVEI ne coûte que quelques dizaines d'euros par an. Néanmoins, les prix varient selon les assureurs. Le coût de l’assurance d’un NVEI est fixe, assimilable au prix d’une option pour une garantie souscrite dans un contrat. Bien entendu, l’ajout de garanties autres que la responsabilité civile fait monter la prime.
Suite à l’engouement pour les NVEI, certains assureurs proposent depuis 2018 des contrats spécifiques pour ce marché. Voici un état des lieux de ce qui existe :
. Allianz France a décidé de lancer une offre « Assurance nouveau véhicule électrique individuel ». Deux formules d’assurance individuelles : la première, obligatoire et accessible à partir de 55€ par an, comprend la responsabilité civile (pour les dommages causés à autrui) ainsi que la défense pénale et recours suite à accident ; la seconde formule, sérénité, la complète avec la garantie du conducteur jusqu’à 250 000€.
. Aviva France propose par l’intermédiaire de sa marque Eurofil, la solution dédiée aux NVEI baptisée « OnMyWay ». L’offre propose plusieurs tarifs : une formule solo pour 5€ par mois, une formule duo pour 8€ par mois et une formule famille pour 10€ par mois. Il est possible de prendre une responsabilité civile couplée à la défense pénale et recours suite à accident en option, pour 4€ de plus par mois, peu importe la formule choisie. L’offre OnMyWay cible les jeunes urbains ainsi que les familles.
. Crédit Agricole Assurances a, depuis le 4 décembre, complété son offre deux-roues en incluant les NVEI. Il faut compter en moyenne 130€ par an pour la formule tiers et jusqu’à 238€ par an pour la formule tous risques.
. Luko distribue une assurance à part baptisée « Assurance trottinette électrique et NVEI ». L’assurtech propose deux contrats différents pour couvrir un NVEI : « Minimum légal » pour assurer la responsabilité civile et les frais de recours en défense pénale ; « Peace of Mind » qui prend en plus en compte le vol et les dommages matériels. Le tarif de base débute à 4,5€/mois et il est possible d’effectuer un devis en ligne. Les démarches sont très simples, le service client réputé performant et le « giveback » (restitution des primes restantes à l'association de son choix) offre une valeur ajoutée par rapport aux offres des autres compagnies d’assurance.
. Macif propose une réponse spécifique aux NVEI (contrat d’assurance auto « spéciaux » ou contrat deux-roues selon le cas). Celle-ci couvre la responsabilité civile obligatoire pour les dommages causés aux tiers par le véhicule et, si l’assuré le souhaite, l’indemnisation de l’engin en cas de vol ou d’accident. Les tarifs mensuels débutent à partir de 18€ pour la RC, 28€ pour la RC + vol/incendie et 128€ en tous risques.
. MACSF a mis en place l’offre « assurance Mobilités ». Cette offre unique à 10€/mois est très complète : responsabilité civile, garantie du conducteur, garantie bagages, assistance, couverture complémentaire véhicule de location, et défense pénale et recours suite à accident. En raison du positionnement de la MACSF, l’assurance Mobilités est dédiée principalement aux professionnels de la santé, cependant tout le monde peut y souscrire.
. La Maif opère une distinction selon le type de véhicule. La trottinette électrique est assimilée aux deux-roues et sera donc couverte par les garanties des contrats auto (dont la responsabilité civile) et dommages corporels. Les gyroroues, hoverboards et autres, sont couverts par le contrat habitation, via les dommages corporels habitation. La cotisation pour une trottinette assurée en tous risques par le contrat auto s’élève en moyenne à 100€ par an.
. Wizzas, plate-forme digitale d’achats groupés en assurance, donne la possibilité à des communautés de définir leurs besoins en assurance et services associés. Wizzas se charge ensuite de négocier avec les assureurs. Cette plate-forme met en avant trois offres de mobilités douces. La formule A « légalité » permet de s’assurer au tiers à partir de 62€/an, la formule B « sécurité » y ajoute la garantie corporelle du conducteur jusqu’à 250 000€ dès 100€/an, et la formule C « sérénité » les complète avec la couverture dommages & vol du véhicule dès 155€/an. Ces offres de mobilités douces sont assurées par Generali.
La FFA précise que « la conduite sans assurance d’un véhicule motorisé constitue un délit ». L’article L 324-2 du Code de la route prévoit des sanctions pénales sévères (amendes, suspension du permis de conduire) en cas d’absence d’assurance. Ainsi, en cas d'utilisation d'un gyropode, d'un hoverboard ou d'une trottinette électrique, la peine encourue en cas de non assurance est en principe de 3 750€ d'amende et 7 500€ en cas de récidive. Le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires (FGAO) intervient pour indemniser une victime blessée par un NVEI non assuré. Cependant, il se retournera contre le propriétaire de l’engin pour récupérer les sommes versées à la victime, majorées de 10% (source : FFA).
Pour les assureurs, l’émergence des NVEI ouvre un nouveau marché et permet la création d’un nouveau produit qui devient obligatoire. Il s’agit d’une opportunité de capter les jeunes, utilisateurs massifs de ces engins, ainsi que les cadres, population relativement aisée dans une optique de multi-équipement. Les EDP motorisés représentent un relais de croissance pour les porteurs de risques et les courtiers positionnés en assurance de biens. Ainsi, pour la directrice commerciale de l’activité directe d’Aviva France, l’assurance des NVEI « s’inscrit dans notre stratégie de conquête ». Une obligation d’assurance sera bientôt inscrite noir sur blanc puisqu’elle figure dans le projet de loi d’orientation des mobilités en cours d’examen au Parlement. Après un décollage à vive allure, tout se dessine pour que le marché des NVEI roule à plein régime, y compris en matière d’assurance, à condition que les nombreuses restrictions liées à la nouvelle règlementation ne portent pas un coup d’arrêt au plaisir d’utilisation et au développement de ces nouveaux modes de déplacement.