Delphine RIETER, Senior Manager en charge de la Practice EPM I Keyrus
La mise en place d’une solution EPM (Enterprise Performance Management) peut être perturbée par un certain nombre d’idées reçues et de mauvaises pratiques. Voici 10 pièges à éviter pour réussir son projet.
1. Sous-évaluer le périmètre du projet
Avant même de commencer l’aventure, le périmètre métier est fréquemment sous-évalué. La raison ? Historiquement, les entreprises utilisent quantité de tableaux Excel dont elles sous-estiment l’ampleur. C’est au moment de décortiquer les données qu’elles prennent conscience du nombre d’actions et d’informations à intégrer. Difficulté supplémentaire : il n’est pas rare que chaque collaborateur utilise ses propres formules. Attention donc à ne pas négliger la phase d’expression de besoins qui doit permettre d’harmoniser les pratiques. Il est notamment important de consacrer du temps à la rédaction de fiche répertoriant les sources de données ou encore les règles de calcul.
2. Manquer d’un sponsor dès le démarrage du projet
Qu’il touche au reporting ou à l’élaboration budgétaire, le projet EPM implique l’ensemble de l’entreprise. Dès lors, la mobilisation d’un sponsor est indispensable. Or, il est fréquent que celui-ci ne soit pas clairement identifié ou qu’il hésite à s’impliquer, alors même que son intervention, dans la continuité, se révèle essentielle. Le sponsor devra intégrer l’une des instances de gouvernance de projet (comité de pilotage). Son rôle : apporter un regard extérieur, arbitrer et devenir un vecteur de communication en interne.
3. Sous-estimer l’importance de la DSI
Pour intégrer la nouvelle solution EPM dans l’architecture IT existante, il est indispensable d’avoir la DSI présente et mobilisée tout au long du projet. L’interfaçage des solutions avec les différents systèmes de la société, les contraintes de sécurité ou les pré-requis d’architecture SI sont bien souvent sous-estimés par le métier. Il est donc préférable d’anticiper une charge dédiée à la DSI & aux équipes métier pour traiter les problématiques d’interface, de référentiel, de gestion de la sécurité et de déploiement.
4. Ne pas anticiper l’évolution du mode de travail
Au sein de nombreuses entreprises, des collaborateurs consacrent encore une part importante de leur temps à compiler et à consolider des données, notamment sur Excel. Avec l’intégration automatique des informations par un nouvel outil, leur mission va nécessairement évoluer pour aller vers davantage d’analyse de l’information. Il est fondamental d’accompagner ces changements dès le démarrage d’un projet, de manière à ce que chaque collaborateur puisse faire évoluer son mode de travail et, ainsi, gagner en efficacité & en qualité. Chaque projet doit intégrer un chantier d’accompagnement du changement, qui doit permettre de faciliter la prise en main de la nouvelle solution et l’évolution des rôles de chacun.
5. Ne pas préciser les rôles et responsabilités entre les administrations métier & technique
Dans la plupart des cas, l’utilisateur d’un tableau Excel l’a lui-même créé. Lui seul est capable de l’exploiter. La logique est tout autre avec une solution EPM. L’entreprise bénéficie désormais d’un référentiel unique, utilisable par tous. Un large corpus de règles doit être précisément respecté. Il convient de préciser quelles tâches seront à la main des métiers et lesquelles dépendront de la DSI. Par exemple, la mise à jour des règles pourra être confiée aux métiers dans le cas où ils disposent d’une appétence technique. Le projet doit intégrer une analyse des processus permettant de remettre à plat les rôles et responsabilités de chacun.
6. Un réglementaire parfois oublié
Les solutions EPM, particulièrement celles liées aux ressources humaines, manipulent des données personnelles confidentielles. C’est à la Direction Juridique de l’entreprise de valider l’ensemble des déclarations nécessaires auprès des instances (CNIL). De plus, depuis l’entrée en vigueur du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), la gestion des données personnelles et leur réplication doivent être décrites de façon précise. La sécurisation des accès, et plus largement l’application de la nouvelle réglementation, doivent être traitées dès le démarrage du projet.
7. Trop d’informations tuent l’analyse
Pour réaliser des prévisions, les solutions nouvelle génération sont capables d’absorber une quantité quasi-illimitée de données. Mais la simplification souhaitée au début du projet ne doit pas rester un vœu pieux. Intégrer un volume excessif d’informations n’a que peu de sens : la planification en forecast ou en budget à un niveau trop fin positionne le contrôle de gestion comme un centre de production de l’information plutôt qu’un pôle d’analyse & prévision, nécessaire au pilotage stratégique. C’est pourquoi il est important d’arriver à définir un niveau de granularité raisonnable et adapté aux besoins de pilotage.
8. Le décalage entre la perception de l’agilité & la réalité d’un projet Agile
La notion d’agilité est l’objet de malentendus. Le déploiement d’un projet réellement Agile implique une organisation conséquente. Or, il est fréquent que des entreprises comprennent l’agilité comme la possibilité d’adapter en permanence le périmètre du projet : rajouter un module, créer de nouvelles fonctionnalités, etc. D’où la nécessité de faire preuve de pédagogie sur le sujet et d’expliquer que la mise en place d’un projet EPM recourt davantage à l’itérativité qu’à l’agilité.
9. Considérer le projet comme terminé le jour du Go Live
Trop d’entreprises considèrent à tort qu’un projet EPM se termine le jour du Go Live. La transition du mode projet au mode « Run » est une étape majeure qu’il convient de préparer. Il s’agit principalement de mettre en place les équipes & processus qui permettront de gérer le quotidien opérationnel et de s’assurer du transfert de compétences auprès des administrateurs. L’équipe projet ne doit pas être totalement démantelée avant d’avoir structuré l’équipe de « Run ». Cela doit avant tout permettre une continuité de service auprès des utilisateurs finaux, mais aussi assurer la capacité d’une équipe opérationnelle à faire vivre la solution au quotidien.
10. Ne pas dédier suffisamment de temps au transfert de compétences
Le transfert de compétences démarre dès les premiers jours par la formation de l’équipe projet interne. Cette étape préalable est un pré-requis pour permettre aux contributeurs du projet de comprendre la modélisation et les capacités d’analyse offertes par la solution. La mobilisation de l’équipe interne, lors de la phase de réalisation du paramétrage, est le moyen le plus efficace d’opérer une transmission de qualité. Si cela n’est pas possible, il est alors important de consacrer un temps dédié au transfert de compétences.
À PROPOS DE L’AUTEUR
Contrôleur de gestion dans les télécoms pendant 7 ans, Delphine Rieter est aujourd’hui Senior Manager en charge de la Practice EPM chez Keyrus. Elle a plus de 17 ans d’expérience en accompagnement & mise en œuvre de solutions EPM, dans différents secteurs (luxe, industrie, télécoms, etc.) & domaines (RH, finance, marketing, etc.).