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Article publié par Laure Sune, Lead analyst Smart City & Mobility chez Keyrus Innovation Factory
De la voiture autonome au véhicule électrique, de nombreuses technologies ont su tirer leur épingle de la crise pour s'imposer dans le futur du secteur. L’ouragan coronavirus qui a déferlé sur nos sociétés laisse présager des changements rapides ayant un impact sur l’industrie des transports : quels nouveaux comportements de consommation, quels impacts pour les constructeurs automobiles, quelles dynamiques de coopérations transfrontalières, quel avenir pour les startups ?C’est lors du salon international Ecomotion, qui a cette année eu lieu 100% en ligne, que les conférenciers ont abordé ces questions, jeudi 20 mai.
Comme le rappelle Orlie Dahan, directrice d’Ecomotion, les mois à venir vont appeler à davantage de coopération, une relocalisation de la production et un retour à l’essentiel. Côté investissement, les multinationales, également touchées par la crise, risquent de se montrer frileuses. Les VCs, quant à eux, vont devoir appréhender de nouvelles tendances de marché. Pour une startup en cours de levée de fonds, il n’est pas surprenant de voir les investisseurs se retirer ou rediscuter la valorisation. Il faut s’attendre à voir moins de startups émerger dans les mois à venir.
Néanmoins, c’est aussi l’occasion pour les entrepreneurs de prouver aux investisseurs leur capacité à surmonter les épreuves : diversifier leur offre, pivoter et s’adapter au changement. L’écosystème suit habituellement des cycles houleux auxquels les entrepreneurs se sont rodés. Rappelons que ce sont en moyenne 80% des startups qui finissent par fermer.
De nombreux exemples de collaborations inter-industries voient également le jour avec le secteur automobile. C’est le cas par exemple d’Appolo Power (énergie solaire), Nanoscent (qualité de l’air) et Watergen (production d’eau à partir d’air). Ce dernier pourrait ainsi proposer aux constructeurs automobiles un système de refroidissement intégré, ou encore des stations d’eau potable sur les aires d’autoroute.
Imaginez, en pleine pandémie, une flotte de véhicules autonomes transportant des malades en isolement, livrant des produits essentiels sans intervention humaine, déplaçant des personnes âgées… Alors que son déploiement ne fait que commencer, les promesses de la voiture autonome lui assurent un avenir certain en termes d’usages.
Cependant, au niveau technologique, l’industrie devrait enregistrer une diminution du nombre d’acteurs dans les années à venir : un effet entonnoir normal, qui traduit un niveau d’excellence unique pour atteindre les niveaux d’autonomie 4 et 5 (sans conducteur ni intervention du passager).
Pandémie ou pas, le véhicule autonome passe avant tout par une transformation, celle d’un produit hardware à un produit software. Celle d’une boîte métallique dans laquelle on perd son temps, à celle d’un produit ultra-connecté où l’on passe un moment agréable : alertes de sécurité sur la route, identification facile de parking libre, lancement automatique d’un film ou d’une playlist, régulation intelligente de la température intérieure…
De plus, la crise liée au coronavirus encourage les constructeurs automobiles à repenser les attentes du consommateur et à intégrer de nouvelles fonctionnalités, comme des points de contacts sanitaires, et davantage de contrôle sans contact.
Daniel Ramot, cofondateur de Via, envisage l’avenir du véhicule autonome sous l’angle de la mobilité partagée. Dans ce scénario, des flottes de véhicules autonomes seraient gérées par des infrastructures gouvernementales ou des flottes de robots-taxis.
Cette idée rejoint d’ailleurs le plan d’Intel, qui prévoit de déployer une flotte de robots-taxis autonomes (autonomie de niveau 4) dès 2022 à Tel Aviv, Jérusalem, Los Angeles et en France (en partenariat avec la RATP). C’est ce qu’explique Amnon Shashua, PDG de Mobileye (système ADAS anti-collision), qui avait été racheté par Intel pour 15 milliards de dollars en 2017.
Ce mois-ci, c’est dans la suite logique de sa stratégie qu’Intel fait l’acquisition de Moovit (application mobile d’itinéraires urbains) pour 900 millions de dollars. Grâce à son importante base de données et ses 720 millions d’utilisateurs, Moovit sera directement rattachée à Mobileye pour travailler à l’intégration de flottes de véhicules autonomes.
Malgré la conjoncture actuelle, les ventes de voitures électriques ont continué de progresser en Europe ces derniers mois. Un marché de niche qui représente 2% du marché global mais qui bénéficie d’une croissance remarquable, avec un pic historique de ventes de 17% de parts de marché en mars 2020, d’après Insideevs.
La compétitivité du véhicule électrique dépend de plusieurs facteurs. D’après Gilles Normand, directeur Véhicules Électriques chez Renault, nous devrions voir dans les deux prochaines années l’augmentation de l’autonomie kilométrique, l’amélioration du confort utilisateur en termes de recharge du véhicule, et une meilleure rentabilité économique.
Côté confort utilisateur à la recharge, de nombreuses améliorations peuvent être apportées. À l’heure actuelle, le temps de recharge reste long, les stations de bornes électriques sont souvent trop éloignées ou déjà occupées, les bornes peuvent présenter des dysfonctionnements, les câbles de recharge sont parfois sales, mouillés ou lourds.
À ces freins s’ajoutent à présent l’appréhension du contact physique. Stefan Herr, responsable de l’innovation eMobility chez E.On (troisième plus grand énergéticien européen, après EDF et GDF Suez), évoque notamment la possibilité de recharger son véhicule sur la borne sans intervention humaine, ou de payer sans contact depuis l’intérieur de son véhicule.
L’arrêt quasi total des transports en commun et de l’usage de la voiture pendant le confinement a inévitablement transformé les habitudes des usagers. On observe notamment une hausse de l’utilisation de la micro mobilité. L’utilisation de vélos et trottinettes s’explique d’une part par une volonté de distance sociale et d’autre part par des trajets dans un rayon géographique réduit.
L’appréhension de la proximité dans le métro ou le train soulève des interrogations. Il y a ceux qui prendront leur voiture afin d’éviter tout contact avec le public. En même temps, ces adeptes de la voiture se sont déshabitués à circuler et pourraient préférer des alternatives. Il y a aussi les habitués des transports en commun qui pourraient dorénavant se tourner vers le vélo ou la trottinette. Dans tous les cas, la voiture restera nécessaire aux trajets longs en dehors de la ville.
Concernant les municipalités, certaines mesures adoptées dans un contexte de gestion de crise sanitaire pourraient perdurer sur du long terme. C’est le cas de l’avenue de Rivoli à Paris, réservée aux circulations douces (vélo, trottinette). Les municipalités de Tel Aviv et Jérusalem ont elles aussi annoncé ce mois-ci la fermeture aux voitures d’une vingtaine de rues et avenues.
Nombreux sont les regards qui se sont tournés vers la logistique pendant cette crise sanitaire. Plus particulièrement, les camions de transport autonomes sont abordés à Ecomotion comme étant l’avenir du transport routier.
Cependant, le camion autonome devra relever certains défis: . L’autonomie du camion devra de loin dépasser l’autonomie d’une voiture, pour des raisons évidentes de trajets longs et transfrontaliers. . Le cadre réglementaire de la conduite autonome sera probablement propre à chaque pays. De quoi faire frémir les responsables d’une flotte de camions pour jongler entre les réglementations au passage des frontières. . Les exigences de sécurité seront particulièrement élevées, puisqu’il n’y aura pas la possibilité de solliciter un passager pour prendre le volant en cas de conditions météorologiques extrêmes.
La gestion d’une flotte de camions autonomes passera par un système de contrôle à distance incluant la géolocalisation des camions en temps réel et la modification du mode de conduite en fonction des paramètres externes. Ces exigences répondent également au besoin de traçabilité produit des clients.
Bien que la crise du coronavirus ait touché le secteur automobile et les transports en commun de plein fouet, le secteur de la mobilité se transforme toujours plus vite et appelle les entreprises à repenser leur modèle, diversifier leurs offres, et proposer de nouvelles fonctionnalités. Les avancées technologiques relatives à la ville connectée, la voiture autonome et au véhicule électrique promettent cette année encore de nouvelles prouesses techniques. Comme toutes les crises économiques majeures, c’est l’occasion de se réinventer et de saisir de nouvelles opportunités.
Laure Sune est lead analyst Smart City & Mobility pour Keyrus Innovation Factory (KIF), le département innovation du Groupe Keyrus, expert en data, digital et transformation et a pour rôle de créer un pont entre les entreprises et les startups innovantes.